XV: Top 14 – comment se remettre en ordre après une lourde défaite ?

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Le début de saison a été marqué par certaines roustes. À quoi ressemblent les jours qui suivent dans les clubs concernés ? Le mythe de la séance vidéo à l’aube le lendemain matin semble avoir vécu mais les débriefings restent « salés », pour activer notamment le levier de l’orgueil.

Jeudi matin au Parc des Sports de Perpignan, l’ambiance de fin d’entraînement est détendue. Patrick Arlettaz, entraîneur adjoint du XV de France et ancien manager de l’USAP, est de passage. Il se fait allègrement chambrer pour sa chemise rose par ses anciens joueurs.

On est loin de l’ambiance pesante qui avait suivi la lourde défaite à « domicile » (le match était délocalisé à Béziers) contre Montpellier (7-26), samedi. À chaud, le manager Franck Azéma avait évoqué sa « honte » et enchaîné, ton grave et voix qui porte, les punchlines : « On s’est fait défoncer », « Sur le rendu, il n’y a rien, zéro »… Dans le vestiaire, les premiers mots sont musclés, sorte de mise en bouche du débriefing du lundi matin.

Ce retour vidéo, c’est visiblement le sale moment à passer quand on a dégusté. Les Montpelliérains y ont eu droit après leur défaite à domicile contre Lyon (22-26, 1re journée), imités au même moment par des Palois fessés à Clermont (39-7) puis la semaine suivante par les Bayonnais laminés à… Pau (51-29, 2e j.) et les joueurs de l’USAP, donc.

La seule bonne nouvelle, selon les différents témoignages recueillis cette semaine, c’est que le débrief improvisé à l’aube le lendemain matin semble avoir vécu.

L’expert en la matière était peut-être Bernard Laporte quand il dirigeait Toulon (2011-2016), comme raconté dans nos colonnes fin 2017 par Gilles Panzani, l’intendant de l’époque : « À Bordeaux en 2013, on prend 40 points (41-0). Dans le vestiaire, Bernard Laporte annonce : “À demain 6h30 à Berg (lieu du centre d’entraînement du RCT) pour la vidéo”.

Le lendemain matin, Carl Hayman appelle pour dire qu’il ne pouvait pas venir car sa femme est en Angleterre et qu’il n’a pas de nounou pour ses deux petites. Bernard lui répond : “Je m’en branle, t’as qu’à venir, Panzani gardera les petites”. Je me suis retrouvé avec les deux ! J’ai fait au moins trente fois le tour du stade avec la poussette. » Tout le monde en prenait pour son grade, au soleil levant, les courbatures vivaces.

La nouvelle génération d’entraîneurs semble moins portée sur ce genre de punition collective. « Réunir ses joueurs à 6 heures du matin le lendemain, je ne dis pas c’est absurde, mais ça ne peut être qu’une solution dans un moment particulier », estime le manager de Pau Sébastien Piqueronies.

« Hausser le ton en permanence, ça ne sert à rien, appuie son homologue du LOU Fabien Gengenbacher qui a vu son équipe la saison dernière enchaîner victoires à domicile et lourdes défaites à l’extérieur. Il y a cinq ou six fenêtres où on peut être plus dur dans les mots. Si c’est plus, je ne suis pas sûr que les joueurs écoutent encore. »

« Le staff, oui, on se retrouve peut-être plus tôt que prévu, parce qu’on ne dort pas beaucoup et qu’on a vite envie de débriefer le match et trouver les mots pour remobiliser les joueurs, témoigne de son côté Rémi Talès, entraîneur des trois quarts de La Rochelle. Mais convoquer les joueurs à 7 heures un lendemain de défaite alors qu’on est parfois rentré très tard, je ne pense pas que ce soit la meilleure solution pour repartir de l’avant. »

Des joueurs piqués dans leur orgueil et mis face à leurs responsabilités

La mauvaise nouvelle, c’est que quand le ton monte, il peut monter très haut. Comme à Montpellier jeudi dernier quand Geoffrey Doumayrou, entraîneur de la défense, mécontent d’attitudes sur un atelier, a secoué ses joueurs. Sans filtre. Comme à Bayonne lundi.

« On a fait un débriefing vidéo qui a été plutôt salé afin de mettre le groupe devant ses responsabilités », confirme le manager de l’Aviron Grégory Patat. « Franck (Azéma) était encore énervé lundi matin, glisse de son côté le demi de mêlée de Perpignan Tom Ecochard. Il nous a dit nos vérités, le début de semaine était forcément compliqué… »

Les avants catalans, dominés en mêlée et dans le combat par Montpellier, ont été piqués dans leur orgueil. « On a pris le temps de revoir tout ce qui n’avait pas été car il faut l’assumer, poursuit l’entraîneur principal de l’USAP David Marty. Après, il s’agit de trouver des solutions. On ne va pas rester six mois dessus car le Top 14 ne nous attend pas. »« Tu ne peux pas rester trop longtemps sur ce qui s’est passé, confirme Patat. Donc on a aussi rapidement parlé du prochain contre Clermont, sans trop dramatiser non plus. »

Quelques focus sont mis sur des secteurs pour le match d’après – « défense et combat », répète le pilier de l’USAP Giorgi Beria avant d’aller à Castres – quitte à en délaisser d’autres. « Après Clermont, on a décidé d’alléger le disque dur, sur le plan stratégique, et d’axer sur l’initiative, explique Piqueronies. Ça a eu un impact des deux côtés : l’initiative contre Bayonne nous a permis de marquer 50 points mais passer l’aspect tactique au second plan nous a sans doute coûté 30 points. En fait, mieux on connaît son groupe, moins on risque de se tromper sur les leviers à activer. »

Certains sont vieux comme le monde ovale et gros comme des maisons de l’île de Ré. « Je pense qu’ils ont plus regardé l’immobilier à la Rochelle et sur l’île de Ré que l’entraînement », avait cinglé Ronan O’Gara après une défaite à Lyon en février (28-17). À chaud, le manager rochelais, du genre sanguin, avait fait comprendre à certains que c’était leur dernier match avant un bon moment. À froid, la raison avait rapidement repris le dessus, ce qui n’empêchait pas « une semaine chargée en émotion et en testostérone », comme en avait témoigné quelques jours plus tard le troisième-ligne Judicaël Cancoriet : « (Ronan O’Gara) a su nous piquer quand il fallait mais aussi nous remettre en confiance. On ne peut pas tout le temps taper sur les mecs, ça ne marche pas. »

D’où ces sourires qui reviennent petit à petit dans la semaine, une fois que le message est bien reçu et que les séances d’entraînement, parfois plus corsées, touchent à leur fin. « On sait où on a merdé, tout simplement, explique le Perpignanais Giorgi Beria. Donc on s’y remet et cette semaine, je n’ai pas vu un seul mec la tête en bas. » Les Catalans à Castres et les Bayonnais à Clermont savent sur quoi ils sont attendus ce samedi après-midi pour passer un meilleur lundi.

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